jeudi 6 octobre 2011

Si Triste Anne m'était conté ...

Je vais vous raconter une petite histoire de faits divers dont nous en avons été les témoins incrédules cet été.
Je ne fais que colporter les informations et les dires, dont les protagonistes de cette histoire incroyable nous ont abreuvé en cette période estivale où il ne se passe jamais rien...

Il était une fois... une petite fille aux cheveux longs et châtains foncés, frêle et toute menue, au visage pâle et laiteux (symbole d'innocence). Elle portait sur elle pourtant, les stigmates d'un manque d'affection apparent, entre une mère trop accaparée par sa carrière politique et un père administratif, affairiste et de passage...
Deux parents absents qui ont autre chose à faire que de s'occuper de la pauvrette, entre une mère qui ne supporte pas les enfants: « Ça dérange, ça fait du bruit, ça pose des questions, ça demande de l'attention. » et un père plus préoccupé par sa libido que par ses progénitures.
Dans ce contexte, elle ne trouvait pas sa place d'enfant et n'existait pas affectivement aux yeux de ses géniteurs.
Elle portait comme un sceau tatoué sur la peau, le même prénom que sa mère accolé à celui d'une mystérieuse personne... Inconsciemment, il lui était dicté: ne sois pas toi-même, soit pour toujours le prolongement de ta maman, sois aussi cette autre mystérieuse personne, mais ne sois pas toi même, n'est pas d'identité qui te distincte de nous, de moi.
La mère seule, sans aimant mais beaucoup d'amants « plein d'hommes défilent chez ma mère », décide de confier la pauvrette à une nourrice qui s'avérait être une pocharde alcoolique et violente qui martyrisa à plusieurs reprises la jeune enfant. Et de surcroît, cette vilaine à un ami qui tripote la pauvre triste Anne.
Le monde des adultes lui apparut très vite comme un monde dénoué de sentiments, cruel et pervers.
Elle écrit son mal-être sur un petit cahier à carreaux , seul ami confident qui puisse comprendre sa détresse et plus tard en fera un roman autobiographique où elle conte son enfance douloureuse...« J'ai oublié de la tuer »
Bon an, mal an, elle traîne ses guêtres et son fardeau sur les bancs d'écoles et d'université et décide alors d'extirper sa souffrance en la couchant sur du papier. Les adultes n'ont pas eu l'écoute et l'attention dont elle avait besoin car personne ne l'entendait, ne l'écoutait, ne la voyait, ne faisait attention à elle.
Alors, elle prit la ferme résolution qu'un jour enfin, on fera attention à elle, qu'on la lira , qu'on l'adulera, qu'on parlera d'elle. Elle sera une grande romancière et sa mère sera fière d'elle...
Pour commencer, elle décida de rompre ce fardeau ombilical en se débaptisant. Et n'écoutant que son coeur meurtri, elle se prononça pour autre prénom: Triste Anne.  
Éprise de positivité, de joie de vivre, insouciante, elle demanda à sa mère si elle connaissait des personnalités à interviewer pour son tout premier projet au titre bien évocateur: Erreurs avouées.
Pourquoi n'a t-elle pas commencée par interviewer sa propre mère ?
Parce que les femmes ne commettent sans doute jamais d'erreurs, ce sont les hommes dont elle entretient à la fois un manque et une haine refoulée qui les commettent.
Et là, la bonne mère a une idée de génie ! Elle lui conseille d'aller voir sur ses recommandations Père-Grand. De plus Père-Grand a des relations, c'est un homme "extrêmement chaleureux, sympathique et bourré de talents" qui pourrait l'aider, en ces temps difficiles, à se faire une place dans la société.
Elle le connaît bien sa mère, elle sait qui est Père-Grand pour avoir goûté à sa virilité brutale et débridée. Maman sait que Père-grand est " un prédateur qui cherche non pas à plaire, mais à prendre, se comportant avec l'obscénité d'un soudard " un prédateur sexuel, un loup !
Après avoir maintes fois mis en garde la petite sur la perversité des hommes (mais était-ce encore utile après tout ce qu'elle avait subit et vu), et surtout de ne pas parler à des inconnus en chemin, elle lui remet un petit panier d'offrandes pour Père-Grand.
Triste Anne part seule dans cette forêt de béton et de tours pour rendre visite à Père-Grand.
Elle est toute guillerette à la perspective de rencontrer ce Père-Grand.
Arrivée sur place, Triste Anne ne reconnaît pas le bureau de Père-Grand, elle a des doutes mais elle rentre quand même.
Père-Grand reçoit la petite avec la plus grande attention et gentillesse qui soit et se rapproche d'elle...

Triste-Anne: " Oh ! Père-Grand, comme vous avez un grand appartement !"
Père-Grand: " C'est pour mieux te recevoir mon enfant... "
Triste-Anne: " Oh! Père-Grand, comme vous êtes élégant ! "
Père-Grand: " C'est pour mieux vous séduire mon enfant... "
Triste-Anne: " Oh ! Père-Grand, comme vous avez une grande bouche !"
Père-Grand: " C'est pour mieux t'embrasser mon enfant..."
Triste-Anne: (Gênée) " Oh ! Père-Grand, comme vous avez de grosses mains !"
Père-Grand: " C'est pour mieux te caresser mon enfant... "

N'y tenant plus, Père-Grand se jette sur la fillette et tente de la violer !
Elle s'enfuit à toute allure, pleurant toutes les larmes de son corps et va se réfugier chez Maman.
Elle lui conte sa mésaventure (prévisible) et coup de théâtre ! Contre toute attente, Maman dissuade sa fille meurtrie de ne pas appeler le chasseur pour tuer ce loup ! Père-Grand est utile pour sa carrière, c'est un ami et ce n'est pas beau de montrer du doigt et d'accuser ! Ça fait mauvais genre et cela lui attirerait beaucoup d'ennuis...

N'écoutant que sa bonté naturelle, la pauvre se tait malgré le traumatisme vécu...
Elle comble son manque de reconnaissance maternelle, d'affection, dans des crises boulimiques, puis dans des soirées festives où l'alcool coule à flots et le sexe... qui fera l'objet de son deuxième roman " Trapéziste".
A défaut d'être reconnue par Maman, elle cherche a devenir son égal mais sans succès.

Huit ans plus tard...Triste-Anne reconnaît le méchant loup par la petite lucarne et décide, enfin, contre vents et marées, de désobéir: " Je te tiens salaud ! "
Mais voilà, encore une fois, elle est de nouveau "victime" car personne ou presque dans le village ne la croit.
C'est bien connu, les enfants racontent toujours des mensonges, il ne faut pas les écouter, seuls les adultes détiennent la vérité ! Et de nouveau, la voilà petite fille incomprise et frêle, rasant les murs de la cité sous sa capuche.
Après avoir jeté en pâture sa vie privée en public, la voilà sollicitée, interrogée, reconnue de toutes les victimes de l'avilie des hommes " tous des salauds...".
Mais cette victoire à un goût bien amer, cette reconnaissance n'est pas vraiment celle qu'elle aurait souhaité...

Comme l'histoire vécue par sa cousine "le petit chaperon rouge ", je pose la question suivante:
Qui est réellement le pervers dans l'histoire ? 
Le Loup qui n'a pas su résister à l'appel de la chaire fraîche ? A cet appât si gentiment offert sur un plateau ?
La Mère qui a envoyé sa fille seule dans la forêt, au milieu de pervers et de toutes sortes de danger en toute connaissance de cause ?
Triste-Anne qui s'est cachée d'elle-même pendant huit ans, en éternelle victime comme si de rien n'était et attendant... le moment propice pour coincer tout ce petit monde ?

Cette petite histoire est pleine d'enseignements comme tous les contes de fées sur la psychologie humaine où tout le monde à sa propre interprétation, prisme, croyances et se ment à soi-même et par conséquence aux autres.
Quand vous relirez le petit chaperon rouge, vous ne pourrez plus occulter cette sombre histoire...

Bonne nuit à tous
Chaleureusement
Christophe GEORGIN

3 commentaires:

  1. Merci Christophe pour cette histoire joliment contée.
    Je dirais que tout le monde est responsable, et certains sont victimes.
    Et comme dans toutes les histoires, il y a des passages sombres que l'on a des difficultés à comprendre, car finalement on ne nous dit pas toujours tout !!!
    Belle fin de journée
    Sabine

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  2. Très bien raconté: j'aime beaucoup le style :)
    Et il est vrai qu'on "ne nous dit pas tout" ;)
    Bien cordialement,
    Mireille

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  3. Merci Sabine et Mireille pour vos encouragements. Forcément on nous dit pas tout, ce qui est tout à fait logique dans la mesure où les protagonistes ne savent pas eux-mêmes, sans doute la vérité (non-dits,jeux psychologiques).
    Chaleureusement à vous

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